L’étant

Esther Denis

Installation

Une nappe d’eau noire dans une salle noire. Des narcisses au bord de l’eau. Une vanité sous la forme d’une pintade naturalisée. Dans l’eau trouble, les reflets d’un autre monde. Au centre, des ombres passent sur un miroir de nacre, que des gouttes font osciller. Le reflet de Narcisse, la chaire de sa peau qui se mêle à celle de la rivière ; ils ne font qu’un. Dans l’air, l’écho fantomatique d’un paradis. 

L’ombre, le reflet et l’écho, les « figures du double », selon l’expression du philosophe Clément Rosset, à la fois garantes de la réalité et facteurs d’illusion. 

Nous vivons aujourd’hui une crise écologique, qualifiée également de crise de la sensibilité. L’installation L’étant s’y intéresse du point de vue des outils et dispositifs qui ont participé à cette transformation du vivant en décor. Il s’agit, entre autres, du miroir noir, du diorama et des camera obscura et lucida. Ces dernières subliment le jeu de la représentation. Au moyen d’un trou ou d’une lentille, elles permettent une image inversée, fragmentée et poudrée de l’extérieur. L’étant puise son esthétique dans cet entrelacement de l’histoire de l’art avec celle des sciences.

L’installation a pour ambition de politiser l’émerveillement, de renouveler notre intérêt pour le terrestre, sa beauté et ses mystères. L’étant est un œil proposant un regard autre sur le vivant. Optique et mapping vidéo, odorat et nappes sonores, taxidermie et chorégraphie se superposent pour multiplier les voies d’accès à l’imaginaire tout en complexifiant, et en magnifiant, un rapport cosmogonique au vivant. 

L’étant tente d’être le simulacre de cet infini sous nos pieds. 

© Pierre-Yves Dougnac

Artistes