Installation
Une nappe d’eau noire dans une salle noire. Des narcisses au bord de l’eau. Une vanité sous la forme d’une pintade naturalisée. Dans l’eau trouble, les reflets d’un autre monde. Au centre, des ombres passent sur un miroir de nacre, que des gouttes font osciller. Le reflet de Narcisse, la chaire de sa peau qui se mêle à celle de la rivière ; ils ne font qu’un. Dans l’air, l’écho fantomatique d’un paradis.
L’ombre, le reflet et l’écho, les « figures du double », selon l’expression du philosophe Clément Rosset, à la fois garantes de la réalité et facteurs d’illusion.
Nous vivons aujourd’hui une crise écologique, qualifiée également de crise de la sensibilité. L’installation L’étant s’y intéresse du point de vue des outils et dispositifs qui ont participé à cette transformation du vivant en décor. Il s’agit, entre autres, du miroir noir, du diorama et des camera obscura et lucida. Ces dernières subliment le jeu de la représentation. Au moyen d’un trou ou d’une lentille, elles permettent une image inversée, fragmentée et poudrée de l’extérieur. L’étant puise son esthétique dans cet entrelacement de l’histoire de l’art avec celle des sciences.
L’installation a pour ambition de politiser l’émerveillement, de renouveler notre intérêt pour le terrestre, sa beauté et ses mystères. L’étant est un œil proposant un regard autre sur le vivant. Optique et mapping vidéo, odorat et nappes sonores, taxidermie et chorégraphie se superposent pour multiplier les voies d’accès à l’imaginaire tout en complexifiant, et en magnifiant, un rapport cosmogonique au vivant.
L’étant tente d’être le simulacre de cet infini sous nos pieds.
Esther Denis (Bruxelles – 1996), artiste plasticienne et scénographe.
Son premier contact avec les arts et la scène se déroule sur le plateau de La Monnaie à Bruxelles. Choriste au sein des Chœurs d’Enfants, elle a, durant une dizaine d’années, habité le temps des répétitions et des représentations, les univers de metteur.e.s en scène d’opéra.
Ces expériences nourrissent l’envie d’en connaître davantage sur les arts scéniques et sonores ; elle étudie à La Cambre à Bruxelles puis aux Arts Décoratifs à Paris.
Sa pratique hybride les arts vivants et plastiques et s’intéresse aux dispositifs optiques permettant la représentation du vivant. Elle y fait se côtoyer technologies actuelles et dispositifs anciens de représentation dont le diorama, le miroir noir ou la camera obscura. Ses installations ont fait l’objet de plusieurs expositions personnelles et collectives à la Grande Halle de La Villette à Paris (2021), aux Grandes-Serres de Pantin (2022), au Teatros del Canal à Madrid (2022), à la galerie Sainte Anne à Paris (2022), au PhotoBrusselsfestival (2023), au Point Commun – espace d’art contemporain à Annecy (2023), au Centre Wallonie Bruxelles à Paris (2024).
Parallèlement à cette démarche, elle entretient un lien particulier avec l’espace scénique. Elle collabore aujourd’hui avec plusieurs metteur.e.s en scène, chorégraphes, scénographes, dramaturges dont Emanuelle Nizou, Louise Vanneste, Sophie Warnant, Nicolas Mouzet Tagawa la chercheuse et metteure en scène, Frédérique Aït-Touati.