CHRONIQUES CRÉATION 2024
Installation vidéo
L’héritage de Bentham est une installation vidéo comprenant des sculptures et un court-métrage. Ce dernier repose sur un protocole original mêlant prises de vues traditionnelles et techniques audiovisuelles de pointe (tournage dans un studio de production virtuelle, images de synthèse, IA). L’héritage de Bentham montre sous différentes perspectives les conséquences imprévues à notre époque de la fondation au XVIIIe siècle de l’utilitarisme par Jeremy Bentham. Première tentative d’organiser institutionnellement les plaisirs, l’utilitarisme a abouti à des résultats paradoxaux : Bentham est plus connu pour l’invention du panoptique, une prison, que pour la portée émancipatrice de ses idées. Alors que les États-nations modernes se sont régulièrement appuyés sur l’utilitarisme pour concevoir leur législation, comment cette doctrine structure-t-elle aujourd’hui notre rapport aux plaisirs ? Dans une perspective semblable, comment l’industrie numérique concilie-t-elle ses idéaux de liberté avec l’isolation qu’implique l’usage de ses services ?
Nous sommes aujourd’hui incités à nous émanciper dans nos loisirs alors que s’étrécissent paradoxalement les espaces de liberté. Dans une société d’abondance, la multiplicité des plaisirs a tendance à les annihiler : émancipés en grande partie du travail (par comparaison à l’ère industrielle), nous obéissons à d’autres sollicitations et nous nous perdons dans des divertissements qui s’avèrent malheureusement plus aliénants qu’émancipateurs. Dans quelle mesure restons-nous tributaires des modèles d’organisation sociale conçus au XVIIIe siècle ? Le court-métrage retrace ce récit en trois parties, la première historique, la seconde horrifique et la dernière satirique.
Donatien Aubert est artiste, chercheur et auteur. Diplômé avec les félicitations du jury de l’École Nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy, il a ensuite effectué des recherches en post-master au sein du Laboratoire de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (EnsadLab). Il a fait partie du programme Spatial Media, spécialisé dans la création d’expériences en réalité virtuelle et d’environnements 3D partagés. Il est également titulaire d’un diplôme de doctorat en littérature comparée de la Faculté des Lettres de Sorbonne Université. Sa thèse, écrite au sein du Labex OBVIL, traite de la réactualisation des arts de la mémoire (des techniques anciennes de spatialisation des connaissances) dans le domaine des interactions être humain-machine.
Donatien Aubert réalise des œuvres hybrides : vidéos, installations interactives, expériences de réalité virtuelle, sculptures créées par conception et fabrication assistées par ordinateur. Elles équilibrent au service d’une mise en perspective épistémologique et historique des formes qui doivent autant à la culture classique de la curiosité (scientifique et lettrée) qu’à celle des technosciences contemporaines.
Les technologies numériques ont transformé la production, l’accès et la mise en circulation des connaissances, des opinions et des expériences esthétiques : Donatien Aubert analyse depuis plusieurs années cette transition épistémologique, politique et sensible. Il s’est plus particulièrement intéressé au rôle qu’a joué la cybernétique dans le développement des cultures numériques. Il a contextualisé son influence dans la transformation de la résolution des conflits (pendant la guerre froide et à l’époque contemporaine) ; il a interrogé la représentation qu’elle a proposée du genre humain et de sa potentielle obsolescence ; il s’est attaché enfin à montrer son importance dans la refonte de l’écologie scientifique.
Donatien Aubert appuie ses recherches plastiques sur des traitements qu’ont renforcé les technologies numériques (générativité, interactivité, immersion), en mobilisant une grammaire visuelle capable de mettre en tension une esthétique baroque et romantique avec des influences plus minimales et industrielles.
Il a été exposé au sein de plusieurs biennales (Némo, Chroniques, Elektra) et son travail a été présenté à l’international (Taipei, Kyoto, Moscou, Esch-Belval, Bâle, Montréal, Goa). Il est lauréat de la commande photographique du CNAP « Image 3.0 » en 2020. Son travail a fait l’objet d’une exposition personnelle à la Galerie Odile Ouizeman, à Paris, en 2021.
Création réalisée en coproduction avec Le Grenier à Sel et Némo – biennale produite par LE CENTQUATRE-PARIS.